La Bibliothérapie (So What!)



Vous connaissez cette 'nouvelle' pratique qui fait fureur outre-Atlantique ? La bibliothérapie ? Etant une lectrice avide, et une fervente praticienne de l'homéopathie, la phytothérapie, et de l'usage (raisonnable) des huiles essentielles pour soigner les petits maux de la vie, je me suis tout naturellement intéressée à ce nouveau développement.

La bibliothérapie signifie littéralement 'se soigner par les livres' : plutôt joli comme terme, non ?
Elle compte deux écoles majoritaires.

La première, l'école anglo-saxonne, recommande de lire des livres de développement personnel (self-help books) pour répondre à nos questionnement intérieur, et progresser, se sentir plus libre, plus heureux, plus accompli, meilleur dans son job, dans sa famille, plus à sa place, etc. D'où l'explosion de ces rayonnages dans les librairies et les bibliothèques...

La seconde école est majoritairement française (il y a des exceptions à toutes les règles !) : elle préconise d'utiliser toutes les ressources à notre disposition, et favorise les oeuvres de fiction (romans, nouvelles, théâtre, poésie) sur les livres de développement personnel, jugés cette fois un peu trop restrictifs.

Afin de pouvoir en parler, j'ai décidé de tester les deux méthodes, en dilettante. 


De l'usage des self-help books

Pour voir l'effet de la méthode anglo-saxonne, j'ai lu le Miracle Morning d'Hal Elrod. Peut-être certains d'entre vous l'ont lu aussi ? L'idée est que pour réussir ses objectifs de vie, quels qu'ils soient, il existe des principes somme toute assez simple. Se lever un peu plus tôt que prévu (10 à 60 minutes), et effectuer des exercices de méditation, de lecture, quelques exercices physiques... Je ne veux pas dévoiler sa méthode qui n'appartient qu'à lui (si vous ne voulez pas acheter le livre, je pense qu'il est dans bon nombre de bibliothèques municipales).

J'ai dévoré le livre : il faut bien reconnaître qu'il se lit facilement (moins de 200 pages, taille de la police plus grosse que bon nombre de romans). En le lisant, j'ai trouvé l'idée géniale, juste géniale. Elrod répète à différents endroits que c'est à nous d'adapter ce rituel du 'Miracle Morning' pour se l'approprier et le rendre efficace pour nous. En faisant bien attention de préciser à chaque fois, directement après que ça méthode à lui fonctionne, et d'énumérer les personnalités qui l'utilisent, partiellement ou totalement.


Et en effet, commencer la journée par un peu d'exercice physique peut être une bonne idée (ceux qui me connaissent savent que je préfèrerai toujours commencer par un bon bouquin...).

C'est après avoir tenté la méthode du Miracle Morning que je me suis rendue compte que 1) non, je n'étais pas d'accord avec Elrod sur toute la ligne, loin s'en faut; 2) les parties du Miracle Morning avec lesquelles j'étais d'accord, c'était déjà ce que je faisais depuis des mois, voire des années. Je n'ai jamais hésité à faire sonner mon réveil dix minutes avant l'heure pour grappiller quelques minutes de lecture, je prie régulièrement le matin, la plupart de temps pendant un temps de louange... Bref, j'accomplis plusieurs des 6 points prescrits par l'auteur. Et je me suis rendue compte qu'en fin de compte, ça me suffit. Et que si je me suis prêtée au jeu pour un matin, je n'aime pas beaucoup qu'on me dise ce que je dois faire, et pire encore, ce que je dois penser et ressentir.

Bref, j'ai beau apprécié le courage de M. Elrod lorsqu'il parle de son accident et de sa dépression, j'ai beau apprécier les conseils qu'il donne, je n'arrive pas à appliquer la recette (presque) toute faite qu'il propose (son 'adaptation' revient à échanger les numéros des points à appliquer). Je me refuse à jouer les moutons de Panurge si je peux l'éviter. et du coup, je m'exaspère dès le matin, si j'essaie de continuer plus longtemps la méthode Miracle Morning... Désolée, Hal !


De l'usage de la fiction

De Jules Verne à Tchekhov en passant par la poésie de Baudelaire, la bibliothérapie qui se développe en France fait appel à la fiction pour soigner les petits et grands maux du quotidien. Pour en juger, j'ai suivi un cours en ligne Literature and Mental Health, proposé par l'université deWarwick (comme quoi, les français ne sont pas les seuls à s'y intéresser). 


J'ai trouvé le principe impressionnant : les professeurs de littérature, ainsi que leurs invités médecins, expliquent comment des problèmes psychiques (peines de cœur, deuil, mais aussi syndrôme de stress post-traumatique, démence ou Alzheimer) peuvent agir sur l'organisme d'une personne, et comment la lecture et l'écriture peuvent être utiles pour soulager la douleur du patient, à défaut de la guérir. Des malades atteints d'Alzheimer ou de démence peuvent recouvrer des instants de lucidité si quelqu'un leur lit leurs poèmes ou leurs passages préférés; des soldats atteints de SSPT peuvent, par l'écriture, reprendre au moins en partie le contrôle sur leur maladie. Les professeurs qui enseignent font également partie d'une association ReLit, qui développe la bibliothérapie comme un soutien pour des patients atteints de troubles psychiques, du simple stress au SSPT.

Pour les anglophones (il ne me semble pas que le cours soit déjà traduit en français), ce cours en ligne est digne de toutes les attentions. Il est très bien fait, propose toujours plusieurs pistes à travailler par soi-même et sur soi-même. S'il ne donne pas de remède miracle, il m'a en revanche permis de travailler sur moi-même.

Je me suis rendue compte, par exemple, que de façon plus ou moins consciente, j'avais toujours une poignée de livres (Pride & Prejudice, Le roi Soleil se lève aussi, Comme un roman, La Légende des Siècles) qui m'accompagnent dans tous mes déménagements, toujours à portée de main. J'ai tendance à relire Jane Austen si je veux juste m'évader, je prends plus facilement Comme un roman si je sais que je n'aurai pas le temps de lire longtemps, j'irai vers Beaussant lorsque je dois écrire (une publication, un chapitre de thèse) et que je n'ai pas d'inspiration, ou vers le Romancero du Cid si j'ai le blues...

Nous avons tous des lectures qui nous ont marqué, des livres que nous gardons dans nos bibliothèques et dans les recoins de notre cœur, un poème qui nous a touché, le personnage d'une comédie que nous apprécions particulièrement... Comme il y a des scènes qui nous dépriment (la mort de Sirius !), il y a des textes qui nous tirent vers le haut, qui nous remotivent, qui nous donne envie d'aller plus loin, de faire de notre mieux (n'est-ce pas, Pierre Imberdis ?) : bonne nouvelle, ce sont ces livres-là qu'il faut garder vers soi, c'est ça aussi, le début de la bibliothérapie !


En conclusion,

quitte à adopter une attitude très européenne apparemment (n'en déplaise à ces messieurs-dames d'Amérique du Nord), je me suis sentie à l'étroit en utilisant une 'recette' déployée dans un self-help book qui me semblait destiné à ceux qui avaient envie d'une 'liste de lecture' (vous savez ce que j'en pense), un remède à appliquer en suivant les recommandations de votre médecin. Au contraire, me documenter un peu sur la bibliothérapie qui utilise aussi et surtout des œuvres de fiction (poésie, théâtre, nouvelles, romans) revient à vous donner des ailes, et à vous laisser le plaisir de découvrir un point de vue plus élevé par vous-mêmes. Alors, oui, ça demande plus de travail au début que de se lever en silence et de lire 10 pages chaque jour. Mais à mon sens, c'est plus gratifiant !

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